Pocta k sedmdesátým narozeninám univ. prof. dra Augusta Miřičky. Praha: Nákladem Československé společnosti pro právo trestní, 1933, 469 s. (Zvláštní otisk ze Sborníku věd právních a státních, 33 (1933), č. 3-4).
Authors: Tilsch, Emanuel

Chatiments d’autrefois.


J’ignore si les délits et les crimes d’autrefois étaient très différents de ceux d’aujourd’hui. Sans doute les manifestations de la criminalité supposaient moins d’ingéniosité de la part de leurs auteurs. Elles se résumaient souvent dans l’assassinat ou le vol avec effraotion, compliqués de l’attaque à main armée, et dans le vol à la tire.
Mais si la fertilité d’esprit des malfaiteurs était moindre que de nos jours, en revanche, les systèmes de répression mis entre les mains des juges offraient un choix beaucoup plus varié.
L’auxiliaire indispensable du juge, dans tout proces criminel, c’était le bourreau.
Et d’abord, au cours de l’instruction des affaires pour infliger la question qui s’appelait alors préparatoire, comportant ou non réserve de preuves. Dans ce dernier cas, elle assurait l’impunité à celui qui en triomphait. Dans l’autre, elle ne lui garantissait, à cette condition, que la vie.
Mais un accusé proclamé coupable, n’en était pas quitte avec elle, car il devait subir, après coup, la question dite prélable, inopérante sur sa situation pénale et qui ne visait qu’à la dénonciation des complices. Inévitable en cas de peine capitale, on n’y soustrayait que les femmes enceintes.
Infligée partout en présence de deux magistrats, elle était accompagnée d’un serment sur les Evangiles. Elle durait de six à huit heures, avec interrogatoire avant et après chaque épreuve.
Ce qui variait d’un Parlement à l’autre, c’était le dispositif. Tantôt, on serrait les doigts du patient dans ce qu’on appelait des volets. Tantôt, on avait recours au feu, dont on l’approchait petit à petit. Icii, on le tenait suspendu au-dessus du sol avec un poids de 120 kilogrammes au pied. Là, il se voyait étiré, les mains passées dans des anneaux accrochés au mur. A Paris, on avait le choix de lui faire subir soit l’épreuve de l’eau, soit celle des brodequins. La première consistait à l’attacher pieds et poings à des anneaux fixés aux murailles et à lui faire absorber de quatre à huit coquemars de liquide suivant les cas. La seconde, à lui enfoncer des coins dans les genoux après l’avoir ficelé entre des planches.
Passons aux condamnations proprement dites.
L’emprisonnement, on le saity n’était pas d’usage hormis la réclusion dans un château-fort ou une maison de force et pour les femmes dans les cloîtres. C’était alors une détention perpétuelle. Ne l’infligeaient guère, en général, que les tribunaux écclésiastiques.
L’échelle des peines comprenait, en revanctie, parmi les peines afflictives, l’admonition, le blâme, le bannnissement et parmi les peines corporelles, les galères, le fouet, la pendaison sous les aisselles, peine reservée aux enfants la promenade sur un âne dans les rues, le carcan, le pilori, en général précédés de l’amende honorable.
L’amende honorable consistait en une formule, de rétractation prononcée à genoux en présence des juges et de la victime. S’il s’agissait d’un délit privé, l’amende honorable était dite sèche et le coupable était amené par le geôlier. S’il s’agissait d’un crime, il s’avançait pieds nus, la chemise et un flambeau à la main, sous la conduite du bourreau auquel il avait ensuite affaire.
Le carcan punissait les crimes ayant causé un scandale public, sans être capitaux. Mais il sanctionnait souvent des méfaits de peu d’importance: le port de la canne par les domestiques, l’insolence d’un cocher, le fait de mal nourrir son bétail....
Le coupable était conduit à pied, derrière une charrette, les mains liées, jusqu’au poteau d’où pendait une chaine munie d’un collier de fer. On y enfermait son cou plusieurs heures et parfois on l’y ramenait les jours suivants. Un écriteau indiquait sa condamnation. Les bigames étaient exposés, les hommes entre deux quenouilles, les femmes entre deux chapeaux.
Les banqueroutiers étaient passibles d’un carcan spécial qui s’appelait de pilori. C’était un petit bâtiment installé au milieu des halles, à l’étage supérieur, muré jusqu’à moitié du corps du patient, surmonté d’un toit, avec un plancher pivotant et entouré d’un balcon creusé de trois trous pour laisser passer la tête et les mains. Le fouet et la marque, qui n’allaient jamais l’un sans l’autre, accompagnaient presque toujours des châtiments pires. Le fouet se donnait avec des verges ou des cordes, se distinguant ainsi de la fustigation, qui se donnait au bâton. C’était le bourreau qui fouettait, dans les principaux carrefours de la ville. Le fouet ne s’appliquait pas à la noblesse.
La marque s’exécutait au fer chaud, entre les épaules. Les récédivistes en subissaient deux. Elle s’infligeait en public. On marquait les voleurs d’un V, les galériens d’une Fleur de Lys. Si le bourreau avait préalablement congrument amorti la chair, il suffisait pour faire réapparaître la marque d’appliquer de violents coups du plat de la main. La marque, abolie en 1789, fut rétablie en l’an X.
Enfin, l’Ancien Régime ne laissa pas tout à fait tomber en désuétude la fameuse promenade à âne, réservée aux maquerelles et aux ribaudes, qu’on installait à califourchon sur un bourricot, la figure vers la queue, le torse nu et flanquées d’un écriteau, la tête couverte d’un chapeau de paille.
Il n’y avait pas que les châtiments corporels qui comportaient une gamme étendue de modalités. La peine de mort était, elle- même, très diversifiée et, si l’on excepte l’écatèlement, châtiment des régicides, et la décollation qui état le privilège de la noblesse, une plus ou moins grande rigueur en marquait l’exécution.
Les condamnés à la potence y étaient hissés sur une échelle, à l’aide de trois cordes: deux tortouses et un jet, passées autour du cou du supplicié. Le jet était destiné, une fois l’échelle retirée, à le lancer dans le vide où le bourreau l’achevait à coup de genou dans l’estomac.
La roue était le châtiment des voleurs de grands chemins, des récédivistes et des individus condammés pour viol. Ce suplice suivait l’amende honorable et le poing coupé. Il préludait aussi souvent le bûcher. Il n’était pas appliqué aux femmes.
La roue était un échafaud au milieu duquel était fixé une croix de Saint André, faite de deux solives en forme oblique, avec des entailles correspondant au milieu des cuisses, des jambes, au haut et au bas des bras. Le supplice consistait à y être d’abord rompu s’est à dire criblé de coups de barre de fer et ensuite exposé jusqu’à ce que la mort s’en suive....
Aussi était-ce un adoucissement que d’être gratifié de la strangulation par les mains du bourreau, après avoir été rompu. Encore fallait-il que l’arrêt de condamnation le comportât, ce qui s’appelait un retentum.
On se servait alors d’un moulinet muni de leviers, reliés au cou du condamné par une corde en cravate.
Le bûcher était l’accompagnement nécessaire des condamnations pour sacrilège, parricide, sodomie, empoisonnement ou incendie volontaire. Mais il s’appliquait aux femmes comme aux hommes et peut être plus fréquemment à cause de leur exemption de la roue. Seulement, il n’était pas rare qu’on n’y fut livré qu’une fois pendu. L’amende honorable et le poing coupé le précédaient inévitablement.
On plantait un poteau de sept ou huits pieds, autour duquel on disposait des fagots et des bûches en réservant un espace circulaire pour y placer le patient, avec un couloir d’accès. Le bûcher présentait ainsi la forme d’un cube.
Une fois le patient lié au poteau, à l’aide de cordes (on en vit qui étaient enfermés dans des cages de fer), on en bouchait le passage et on mettait le feu.
Ici encore, pour les suppliciés vivants, on allégeait leurs souffrances en leur faisant revêtir une chemise soufrée ou en se servant d’un croc qui se terminait par des pointes placées en face du coeur et que le bourreau projetait sur eux violemment. Un retentum pouvait d’ailleurs, tout comme dans le supplice de la roue, réserver au condamné le bénéfice de l’étranglement.
Tels étaient les principaux châtiments en usage dans l’ancien droit. Ajoutons que ce qui caractérisait ces genres de supplice ce n’était ni la briéveté, ni la diserétion: Une exécution capitale durait tout le long du jour, le matin étant réservé à la question, l’heure de midi à la messe, l’après midi à publier l’ârrêt à son de trompe, à hisser le condamné en charrette, et à le conduire au lieu du supplice. Là encore les plus larges facilités étaient offertes aux patients pour retardér la minuté fatale, pour peu qu’ils manifestassent le désir de faire des déclarations. On les conduisait alors à l’Hotel-de Ville, où ces conciliabules se prolongeaient souvent fort tard dans la nuit. On les appelait les nuits blanches.
Au maximum de lenteur et de formalisme dans les exécutions capitales, se joignait le maximum de publicité. On s’écraisait au supplice de Cartouche et de Damiens. Pour voir exécuter Houlier, un malandrin de seconde zône, les fenêtres valaient douze sols. La haute société ne dédaignait pas ces spectacles, tout comme le peuple, et les carrosses sortant du Marais heurtaient quotidiennement les cadavres qui se balançaient, non loin de là, aux potences de la place de Grève.
Sans doute, il arrivait quelquefois qu’on protestât, mais c’était alors que les condamnations paraissaient injustes et c’était contre elles. Ainsi, en 1750, à propos de l’exécution de trois bourgeois qui n’étaient coupables que d’avoir dénoncé des rapts d’enfants, on dut charger le peuple à la baïonnette.
De pareils sursauts étaient rares, et ne s’adressaient pas, encore une fois, à la rigueur du supplice. On jugeait ceux-ci nécessaires pour provoquer l’intimidation et on pensait qu’ils étaient de nature à donner satisfaction à la morale. C’est ce que traduit, avec une résignation mélancolique, cette assez piteuse complainte de l’ancien temps, plaçée dans la bouche d’un supplicié:
»Vous tous père et mère
qui avez des enfants
montrez leur la manière
où je suis maintenant.
Montrez leur de bonne heure
de Dieu la loi
de crainte qu’ils ne meurent
tous comme moi.«
Voilà qui en dit long sur l’orientation des instincts du peuple au siècle de Montesquieu et de Rousseau, — chose à retenir quand on porte un jugement sur les attentats et les représailles qui ensanglantèrent la Révolution.
Citace:
TILSCH, Emanuel. Chatiments d’autrefois. Pocta k sedmdesátým narozeninám univ. prof. dra Augusta Miřičky. Praha: Nákladem Československé společnosti pro právo trestní, 1933, s. 39-43.